Jean-Marc Leclerc 15/07/2008 | Mise à jour : 17:23 |
Les
auteurs du rapport estiment que l'utilisation de la vidéosurveillance
sur le territoire français « demeure très insuffisamment développée ». Crédits photo : Le Figaro
Un rapport officiel dénonce les failles de la vidéosurveillance à la française. Il prône une modernisation urgente.
L'institut national des hautes études
de sécurité (Inhes) dévoile les dysfonctionnements de la
vidéosurveillance dans un rapport que Le Figaro a pu consulter. Selon
cet organisme, déjà à l'origine en 2006 d'une enquête très commentée
sur le rôle de la police en Seine-Saint-Denis, le plan de modernisation
vidéo adopté à l'été 2007 «peine à se concrétiser».
C'est la ministre de l'Intérieur en
personne qui a commandé cette étude au directeur de l'Inhes, Pierre
Monzani, le 24 décembre 2007. MAM réclamait la vérité. Et celle-ci
tombe toute crue : «Certaines caméras publiques ou privées ne sont tout
simplement pas branchées, se contentant d'un effet dissuasif.» Pis
encore expliquent les auteurs du rapport : «En cas d'attentat dans les
transports publics, il ne serait pas possible d'identifier les
individus ayant effectué des repérages au-delà de quelques jours avant
l'explosion.» En outre, «les services de lutte antiterroriste se
heurtent encore très souvent à des problèmes de qualité d'image par des
matériels obsolètes, mal entretenus ou mal positionnés». Certes,
écrivent les rapporteurs, «la situation tend à s'améliorer quelque peu,
mais les prises de vue nocturnes demeurent sommaires à cause du mauvais
éclairage de la rue. Or, les auteurs d'attentats en Corse ou au Pays
basque agissent essentiellement la nuit.»
À Ajaccio, par exemple, malgré les
innombrables mitraillages de bâtiments publics ces dernières années,
aucun dispositif vidéo sérieux n'existe pour piéger les poseurs de
bombes.
Lacunes du modèle anglais
S'agissant des cibles
institutionnelles, «il ne faudrait pas se contenter de filmer le
bâtiment et ses abords, mais également les rues avoisinantes et les
voies d'accès», préconise l'Inhes. Au reste, «les temps
d'enregistrement des images s'avèrent trop courts». Il faudrait au
moins «sept jours» avant effacement des séquences, considère la mission
d'étude qui ajoute : «Nombre de responsables estiment que cet outil,
indispensable à l'identification des terroristes ou des modes
opératoires, demeure très insuffisamment développé sur notre
territoire.»
Faut-il alors prendre exemple sur la
Grande-Bretagne ? Là aussi, le constat est impitoyable : «Un Londonien
peut être aisément filmé par plus de 300 caméras chaque jour», mais «80
% des images adressées à la police sont de mauvaise qualité et ne
permettent pas l'identification des personnes».
L'Inhes trouve quand même des vertus
au système français, dont il loue notamment les réussites dans la lutte
contre la délinquance, considérant que, dans les villes déjà équipées
de caméras, «non seulement les faits de délinquance baissent, mais en
plus l'élucidation augmente». Autre avantage pointé : dans les
transports en commun, «la vidéo protection, en participant activement
au sentiment de sécurité des agents, fait diminuer de manière
significative le nombre de journées de grève».
Selon l'Inhes, il semble toutefois
«urgent de créer chez tous les enquêteurs un réflexe vidéo», une
«véritable culture» même dans «toute la police nationale». Pour
l'heure, affirment ces experts, certains commissariats on t parfois
tendance à se méfier de cet outil. «Les policiers veulent absolument
rester maîtres de leurs interventions, craignant qu'un jour ils ne
soient déclarés pénalement responsables d'une inaction suite à une
réquisition» du centre communal ou intercommunal qui réceptionne les
images.
Le voyou ou le terroriste n'a, pour sa
part, aucun état d'âme. Dans son rapport, l'Inhes précise que «la
vidéoprotection a modifié l'attitude des délinquants» qui portent
souvent une cagoule ou un casque de moto pour échapper à la prise de
vue. Avec «échange de blouson» et «fuite systématique». Éternelle
histoire du glaive et du bouclier.
» L'intégralité du rapport