« Pour créer un grand
ministère moderne de la sécurité, je veux donner la priorité aux technologies :
ADN, drones, moyens de lutte contre la cybercriminalité », a précisé Michèle
Alliot-Marie.
Le ministre de l’Intérieur dévoile ses priorités pour 2008.
LE FIGARO. – Vous venez
d’installer la commission sur la vidéosurveillance. Quel est votre plan
?
Michèle ALLIOT-MARIE. – Mieux vaut parler de vidéoprotection. C’est
un élément de dissuasion et une aide à l’élucidation des infractions. Les maires
le disent : les caméras ont permis de faire baisser la délinquance chez eux
d’environ 40 %. Je veux en tripler le nombre sur la voie publique en deux ans
afin de passer de 20 000 à 60 000. De plus, le renvoi d’images des caméras
municipales vers la police ou la gendarmerie est un facteur de sécurité. 74
communes sur les 230 actuellement équipées renverront en direct leurs images à
la police pour l’aider dans son travail. Une démarche similaire est engagée en
zone gendarmerie.
Novembre est traditionnellement un mois où s’expriment les
revendications. Nous l’abordons sereinement. Les grandes manifestations sont
encadrées par des syndicats qui ont le sens des responsabilités et ne souhaitent
pas plus que nous des débordements.
Le contexte était différent. Les manifestations de jeunes sont
difficiles à encadrer car ils n’ont pas l’expérience de ce type d’événement.
Les casseurs essaient de profiter des manifestations, notamment
lorsque ce sont des jeunes qui défilent. Ils se fondent dans la masse pour y
créer des incidents. Nous n’en sommes pas là aujourd’hui. Ne stigmatisons pas
non plus les cités ou les banlieues. J’ai déjà organisé quatre réunions de
cohésion en zone sensible. Je me suis rendue sept fois en Seine-Saint-Denis,
sans le moindre incident.
Vous êtes aussi confrontée à une
grogne des policiers et des gendarmes. Comment allez-vous en sortir ?
Des discussions sont en cours avec l’administration. Les officiers de
police, qui souhaitaient devenir cadres, ont signé en 2004 un protocole
applicable au 1er janvier 2008. Il semble qu’il y ait eu des ambiguïtés sur
certaines conséquences de l’accès à ce statut de cadre. Les officiers veulent
aussi des compensations pour les heures supplémentaires qu’ils ont accumulées
ces dernières années. C’est légitime. J’ai fait reprendre les discussions,
accordé des avancées notables pour ce qui relève du ministère. On peut
progresser, à condition de ne pas demander l’impossible.
Et les gendarmes ?
Le
problème est autre. Les gendarmes ont le sentiment de n’être plus tout à fait à
la Défense et pas tout à fait à l’Intérieur. Je veux les rassurer. Je tiens à ce
qu’ils demeurent militaires. Début 2008, une loi spécifique réaffirmera leur
statut militaire et leur rattachement opérationnel et financier au ministère de
l’Intérieur. Je veux garantir la parité de traitement entre la police et la
gendarmerie. Le haut comité d’évaluation de la condition militaire, qui compare
les charges et les avantages des militaires, est très utile pour y parvenir.
Où en êtes-vous dans
l’application de votre feuille de route ?
Le président de la
République m’a demandé de faire baisser la délinquance générale de 5 % en deux
ans. Si nous continuons sur le rythme de ces six derniers mois, nous aurons
atteint les trois quarts de cet objectif dès la fin de l’année, y compris en ce
qui concerne les violences aux personnes. Mais ma politique ne se résume pas à
des statistiques. Je veux faire à l’Intérieur un grand ministère moderne de la
sécurité. La Direction centrale du renseignement intérieur, regroupant RG et
DST, sera réalisée mi-2008. Le redéploiement police-gendarmerie sera parachevé
pour coller aux évolutions démographiques et sociologiques. Pour réorganiser la
police territoriale, notamment au regard des violences urbaines, des compagnies
de sécurisation seront créées. Elles seront composées de policiers de sécurité
publique, connaissant parfaitement les lieux. Elles constitueront un échelon
intermédiaire entre les unités strictement locales de sécurité et les forces
mobiles. Cette réforme s’accompagnera d’un recentrage de la sécurité publique
sur ses missions essentielles de lutte contre les violences. Début 2008, je
mettrai en place une direction de la prospective pour aider à anticiper les
violences, la naissance de groupuscules radicaux et violents, les nouvelles
formes de catastrophes naturelles. Cette direction travaillera à la rédaction
d’un livre blanc de la protection civile.
Qu’y aura-t-il dans la nouvelle
loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopsi)
?
Pour créer un grand ministère moderne de la sécurité, je veux
donner la priorité aux technologies : ADN, drones permettant de surveiller des
points sensibles, moyens légaux et techniques de lutte contre la
cybercriminalité – particulièrement contre la pédophilie –, prédéclaration de
plainte par Internet pour dépasser les craintes, par exemple dans les cités où
règne l’omerta. La Lopsi sera présentée en Conseil des ministres d’ici à la fin
de l’année, et discutée au Parlement début 2008.